Éditorial

[Éditorial] Transition politique au Gabon : entre légitimité, politisation, pragmatisme et responsabilité


La Transition politique au Gabon, sous la direction du Général Brice Clotaire Oligui Nguema, est confrontée à des défis complexes et délicats, qui mettent en lumière les tensions entre légitimité, politisation, pragmatisme politique et responsabilité historique.

 

Brice Clotaire Oligui Nguema semble être poussé à politiser cette période transitoire, adoptant une approche de séduction en distribuant des postes et des faveurs politiques. Cependant, il est important de rappeler que le Gabon n’est pas un « gâteau » à partager, et que le pouvoir ne peut être réduit à une simple marchandise à distribuer. Cette approche risque de diluer la légitimité et l’autorité de la Transition, compromettant ainsi sa capacité à instaurer des réformes significatives et durables et affaiblissant ainsi la possibilité de prendre des décisions audacieuses et nécessaires.

 

Le choix d’associer certains politiciens controversés soulève des préoccupations légitimes. Bien que la réconciliation politique puisse être un objectif louable, il est essentiel de reconnaître que certains de ces acteurs ont contribué, directement ou indirectement, à plonger le Gabon dans le chaos et l’instabilité au cours des décennies précédentes. Leur intégration dans la Transition sans exigences de responsabilité ou de rédemption suscite des inquiétudes quant à l’intégrité et à l’efficacité du processus de transition.

 

Il est de notoriété publique que de nombreux opposants politiques et de nombreux cadres du Parti démocratique gabonais (PDG) actuellement intégrés dans la Transition ne sont pas exempts de reproches quant à leur rôle dans la détérioration de la situation politique et socio-économique du Gabon. Leur implication dans des pratiques politiques douteuses, voire corrompues, soulève des préoccupations quant à leur capacité à contribuer de manière constructive à la transition en cours.

Brice Clotaire Oligui Nguema et Barro Chambrier, le 22 janvier 2024./Com présidentielle

En distribuant des postes et des responsabilités à ces acteurs politiques controversés, le président de la Transition risque non seulement de compromettre la crédibilité de la transition, mais aussi de perpétuer les schémas de comportement toxiques qui ont caractérisé la politique gabonaise par le passé. Cette approche, bien que motivée par un désir louable de réconciliation et de consolidation de la stabilité politique, pourrait en fin de compte saper les fondements mêmes de la transition vers un avenir meilleur pour le Gabon.

 

Une autre critique pertinente concerne le manque de rigueur dans le traitement des affaires judiciaires. Alors que certains appellent à une approche plus ferme et décisive, d’autres estiment que la Transition aurait dû aller au bout des procédures judiciaires pour plusieurs personnes, afin de garantir la responsabilité et la justice. Ignorer cette dimension cruciale compromet la crédibilité de la Transition et alimente les craintes quant à une possible impunité pour les actes répréhensibles commis dans le passé.

 

Il est urgent que le Général Brice Clotaire Oligui Nguema et son administration prennent en compte ces préoccupations légitimes et adoptent une approche plus sélective et rigoureuse dans le choix de leurs partenaires politiques. Plutôt que de rechercher des alliances opportunistes basées sur des intérêts politiques à court terme, ils devraient s’engager résolument à travailler avec des acteurs engagés dans la promotion des valeurs démocratiques, de l’intégrité et de la responsabilité politique.

 

Pour restaurer la confiance du peuple gabonais et garantir le succès de la Transition, il faut absolument recentrer les priorités sur des principes fondamentaux tels que la justice, la transparence et la responsabilité. Cela nécessitera un engagement résolu à poursuivre les réformes judiciaires nécessaires, à réduire au strict minimum l’administration de Transition et à travailler avec discrétion et détermination pour répondre aux attentes légitimes du peuple gabonais.

 

La réussite de cette Transition politique dépendra de la capacité du gouvernement à naviguer avec habileté entre les impératifs politiques du présent et les exigences morales et historiques du passé. Seul un leadership visionnaire, intègre et résolu permettra de guider le Gabon vers un avenir de stabilité, de prospérité et de démocratie véritable.

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